Balthazar le clochard
Les quatre éléments : un miroir, l’aube, un clochard, le jardin
Balthazar le clochard,
Ce matin-là à l’aube, à l’heure où les jardins blanchissaient dans une lueur encore pâle, nous vîmes arriver un clochard. Il portait un sac de surplus militaires sur l’épaule et une chopine dans des mains poisseuses. Son pull effrangé aux manches affichait son prénom, Balthazar. Il s’est adossé contre un mur en pierre recouvert de lambeaux de mousse tendre dans lesquels les gouttes irisées de rosée jetaient des éclats diamantés dans les premiers rayons du soleil levant.
Tout en gobelisant son nectar, il se mit d’abord à fredonner un air bizarre et à hoqueter des borborygmes puis les cordes vocales bien chaudes, il se mit à réciter des vers puis nous entendîmes s’élever une mélodie, une sorte d’opéra connu de lui seul.
Cela dut lui donner un peu soif car il ingurgita d’un trait le reste de sa bouteille qu’il jeta nonchalamment sur le chemin, farfouilla dans son fourbi et en sortit un minuscule objet ébréché qui accrocha la lumière, se contempla longuement et d’une voix de baryton soprano nous écorcha les oreilles en chantant :
« Ah je ris de me voir si belle en ce miroir » !
F.
Juin 2011